Le four à goémon et l’abri de goémoniers de l’île « Enez-Croas-Hent »

Spered Bro Gwiséni avait mis la restauration du four à Goémon d’Enez Croaz Hent au programme de l’été 2009. Seul vestige des fours du Curnic il est particulièrement bien placé au point de l’île d’où l’on a la plus belle vue sur la baie de Guissény mais aussi, à l’Ouest, sur la côte, du Vougot jusqu’à l’Ile Vierge. La promenade offerte par la jetée, depuis le Club Nautique jusqu’à l’île est superbe et très fréquentée été comme hiver. Dès le début des travaux, on a pu constater l’intérêt des promeneurs, touristes ou Guisséniens et la curiosité soulevée par ce qui était pourtant emblématique de la vie sur les côtes du Léon, il n’y a qu’une soixantaine d’année. Trois fours auraient été en service sur la dune entre le Skeiz et la Sècherie. On se souvient que l’un d’entre eux était utilisé par la famille Le Dall et situé sur la dune entre le Skeiz et Corn Ar Garrec. Il a servi jusque dans les années d’après guerre. Un incident marque cette époque : c’est la brûlure étendue infligée à un gamin qui avait raté son saut par-dessus le four ! l’autre était situé dans l’emprise actuelle du terrain de camping municipal. Le troisième, celui d’Enez Croaz Hent, aurait été réalisé puis utilisé par les familles Droff et Creff sans que l’on sache depuis quand, par contre, il semble n’avoir plus servi depuis avant la guerre, soit dans les années trente.

  • La reconstruction du four à goémon La largeur et la profondeur, assez peu régulières, sont de l’ordre de grandeur courant, soit environ 60 cm entre le haut des pierres de paroi et 50 cm au fond. Les pains de soude sont normalement déterminés par des pierres verticales de séparation de la fosse, positionnées tous les 50 à 60 cm mais dont aucune n’a été identifiée. Après une première journée consacrée au dégagement, la reconstruction a été entreprise sur le dallage initial.

De nombreuses descriptions de fours sont disponibles, celle de Pierre Arzel servira de guide. Tout de suite il s’avère nécessaire de rechercher de nouvelles pierres plates pour les parois. On se rend contre qu’initialement les pierres plates étaient en moyenne peu épaisses et qu’à l’instar d’autres fours restaurés il faut utiliser des pierres relativement grosses et lourdes pour obtenir une bonne stabilité. Pierre Arzel écrit que les pierres des parois sont isolées de la terre par des galets de façon à laisser passer l’air. On constate sur notre four que les pierres de parois sont appuyées sur un mur de petites pierres plates posées horizontalement.

La terre qui forme une sorte de mortier étanche à l’air en comble les interstices sans qu’il soit possible de déterminer si c’est d’origine ou apporté par des décennies d’abandon. Par contre on décèle, sur toute la longueur, un vide sous les dalles de fond visible entre chaque.De l’argile prélevée directement sur le mouillage du Curnic est utilisée pour stabiliser les pierres et notamment les pierres plates disposées pour former une sorte de dallage tout autour du four .

Au terme de la troisième demi-journée de chantier, la structure est globalement en place. L’après-midi du 18 août est consacrée à la remise en état du site et surtout à la recherche de pierres susceptibles de servir au cloisonnement. Celles trouvées ont surtout un rôle démonstratif.

A ce stade le four est pratiquement fini et, après un dernier coup de balai de cantonnier, des piquets sont disposés autour ainsi qu’une corde dans le but d’attirer l’attention des promeneurs et aussi de décourager les amateurs de saut. A quand le premier brûlage de goémon ? Cette question qui nous aura été posée de nombreuse fois n’a reçu que des réponses évasives. En effet : Plusieurs reconstitutions de ces travaux ont lieu dans les communes voisines et il ne paraît pas vraiment nécessaire d’en rajouter. Rappelons que pour 1 kg d’iode, il fallait récolter 100 kg de soude et brûler une tonne de goémon sec !

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  • La reconstruction de l’abri des goémoniers

Un autre point d’intérêt est la présence à quelques mètres du four des ruines d’un petit abri fait de pierres sèches à demi enterré dans la pente sud de l’île. Cet abri aurait été utilisé par les goémoniers attendant le lever du jour pour entreprendre, soit la coupe du goémon de rive, soit le ramassage du goémon d’épave, après avoir délimité la zone qu’ils entendaient enlever par leur croc et leur râteau de bois. La décision est prise de s’occuper de cet abri durant l’été 2011. Les travaux ont commencé le lundi 4 juillet 2011 et continuent le jeudi 07 juillet.

Lors de la restauration du four à goémon de l’île, les ruines de ce qui avait été un abri ont été partiellement dégagées. Cet abri aurait servi aux goémoniers qui attendaient l’extinction du phare de l’Ile Vierge marquant le lever du jour, pour récolter le goémon de rive ou d’épave. Il servait aussi aux petits gardiens des vaches pâturant sur l’île. Aucun document ou photo n’est connu, et les souvenirs estompés. On se souvient toutefois qu’on pouvait s’y blottir à l’abri du vent et de la pluie : D’environ 6 m2 intérieurs et de 1.2 m de hauteur, il obligeait ses occupants à rester accroupis. Ce n’était pas d’un grand confort !

L’abri est constitué de pierres de grève installées dans une excavation de la pente sud de l’île. La paroi appuyée contre la dune est montée en pierres plates assemblées sur des carrés d’herbes. Les parois extérieures sont un empilement de galets sans doute également calés à l’origine par des carrés d’herbe ou de la glaise. L’ouverture est béante sur la largeur de l’édifice. Il ne reste rien de la couverture dont on suppose qu’elle était un entassement de tout ce qui tombait sous la main. L’intérieur ne recèle rien si ce n’est une pierre sortant de la paroi du fond assez intrigante. On relève également des traces de feu dans l’angle sud-est. Quelques pierres plates sont au sol.

Il est donc décidé de le reconstruire dans ses dimensions initiales, sur les vestiges de murs découverts après déblaiement. La hauteur est donnée par la dune. Une première séance de travail permit de dégager le sol, de récupérer un bon nombre de pierres et de préparer les surfaces des restes de murs.

Les murs ont été montés en deux séances à l’aide de glaise prélevée dans la zone du mouillage, il n’était en effet pas question de découper de l’herbe de dune. Il s’avère qu’après un court séchage le lit de glaise stabilise les pierres du mur comme un mortier. Il faut souligner que la quantité de glaise utilisée a été considérable et que sans l’aide d’un tracteur pour l’acheminer cela n’aurait pas été possible. Il a fallu également compléter le stock de pierres, opération essentiellement manuelle à laquelle les participants sont entraînés !

La couverture pose évidemment un problème, d’une part parce que l’on ne sait pas comment elle était faite, et d’autre part parce qu’on ne dispose pas de temps de séchage pour utiliser des roseaux. On décide de faire une charpente en posant d’anciennes ridelles de remorque sur trois poutres robustes. L’ensemble, calé par des pierres et solidarisé par de fortes pointes est solide et à l’épreuve d’escalades éventuelles.

Un lot de troncs de cyprès permet de créer une double pente pour favoriser l’écoulement des eaux de pluie sur un plastique. Robuste, étanche mais peu esthétique ! Une meule d’herbe sèche est répartie harmonieusement sur le total, puis plaqué par un fort bout lui même tenu par de grosses pierres.

L’effet est des plus heureux : de loin, on voit le haut des murs de galets et une couverture en forme de meule à la façon des loc’hens et tenue par la corde, comme les meules.

On peut supposer qu’avec le temps notre appareillage va se tasser, voire pourrir. Il est probable qu’à l’origine le rechargement de la couverture était une nécessité permanente.

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Mais l’abri des goémoniers, respecté par les visiteurs, pourtant nombreux, durant six années, n’a pas été victime des outrages du temps et notamment de plusieurs tempêtes. Il a été détruit par un incendie, lors d’un spectacle itinérant, provoqué par une démonstration de l’utilisation du four à goémon par des amateurs…

L’équipe constate les dégâts et prépare l’organisation du travail de restauration.

Le résultat est là. Espérons que l’abri ne sera plus le théâtre d’une pièce où les acteurs brûleraient encore les planches !!!