Digue

Histoire de la digue du Curnic-Nodéven : de la 1re digue détruite par la tempête à la 2e construite plus au fond de la baie et qui a créé le polder qui existe toujours aujourd’hui.

En 1830, un « sieur Troude », officier de Marine, de Brest, demande à obtenir la concession d’un « lais de mer » à Guissény, en vue de la construction d’une digue. Il abandonne ensuite sa requête au profit d’une dame Veuve Merven, de Ploudaniel. Un ingénieur des Ponts et Chaussées établit le plan de la digue et l’administration accorde la concession le 15 septembre 1831.

Il s’agit de l’ancienne digue, construite entre la pointe de Beg ar Skeiz et la pointe du Dibennou. La concession est accordée à des conditions très contraignantes fixées par les Domaines, comme on peut le voir dans l’ordonnance royale qui suit.

ORDONNANCE DU ROI Fait à Paris, le 15 septembre 1831

LOUIS-PHILIPPE ROI DES FRANCAIS

Vu la demande formulée par le sieur Troude, officier de Marine, demeurant à Brest, tendant à obtenir la concession gratuite d’un lais de mer situé à Guissény, arrondissement de Brest, département du Finistère ; Vu le plan des lieux, le devis des ouvrages à exécuter pour la construction d’une digue de dessèchement et le détail estimatif du même ouvrage, dressé par l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées, à la résidence de Landerneau. Vu l’enquête de commodo et incommodo arrêtée par le maire de Guissény, le 26 septembre 1830 ; Vu le procès-verbal des experts nommés pour opérer le mesurage, la délimitation et l’estimation du lais de mer de Guissény qui fixe la valeur en capital dudit lais de mer à 412 F. 60 c. ; Vu l’arrêté favorable du préfet du Finistère en date du 27 janvier 1831 ; Vu la demande de Mme Vve Merven, en date du 20 septembre 1830, par laquelle elle sollicite la même concession ; Vu la lettre de Mr Troude, en date du 1er janvier 1831, par laquelle il demande que le nom de Mme Vve Merven soit substitué au sien dans l’acte de concession ; Vu le Rapport du Conseil d’administration des Domaines, en date du 25 mars 1831, qui conclut à accorder à Mme Merven, la concession demandée ; Vu la lettre de notre Ministre des Travaux publics, en date du 3 juin 1831, qui adhère aux dispositions proposées par l’Administration des Domaines sous la condition qu’il sera établi dans le corps de la Digue un second aqueduc à clapet, qui pourra fonctionner lorsqu’il y aura lieu de réparer le premier ; Que dans chaque aqueduc il sera placé une vanne de sûreté, en cas d’avarie du clapet…


Cette ordonnance a été retranscrite dans le registre des délibérations de la commune, « pour copie conforme », le 21 octobre 1831.

La digue est achevée en 1832, largement avant le délai de dix ans prévu, mais sa construction n’a pas été sans conséquences pour les usages des habitants de la commune, concernant notamment la récolte du goémon et l’utilisation de la sécherie. Chaque année, au début du mois de janvier, le conseil municipal de Guissény publie un règlement très précis et contraignant pour l’organisation de cette récolte.

Le 20 janvier 1833, il doit s’occuper des problèmes issus « des empiétements qu’on fait journellement sur un terrain acquis pour servir de sécherie de gouémon à l’utilité des habitants de la commune, d’après un contrat en date du 4 octobre 1788 par le conseil d’Etat ».

Le conseil demande au Préfet du département une « copie du plan du 18 mai 1830 dressé par Monsieur Troude, officier de Marine à Brest, à l’effet d’obtenir la concession gratuite d’un lais de mer situé à Guissény » ainsi qu’une copie du procès-verbal de limitation de cette étendue, « à seule fin d’éviter toutes contestations qui pourraient s’élever entre les concessionnaires de ce lais de mer et les habitants de la commune, dans ce temps présent et futur ; outre pour servir d’éclaircissement aux autorités de la commune pour la propriété, dont les conseillers municipaux prennent intérêt, vraiment très indispensable aux habitants, qu’on est sur le point d’usurper par les concessionnaires qu’on a déjà parlé ».

Le 24 février 1833, le conseil municipal autorise le maire "de mettre opposition sous le plus bref délai possible, sur des envahissements qui se fait journellement sur la sécherie de gouémon appartenant à la commune, par les ouvriers de M. Derrien, concessionnaire d’un lais de mer, donnant près du même endroit ; lesquels depuis plusieurs mois n’ont cessé de prendre des matériaux du lieu du Squéis pour mettre à la digue qu’ils ont construit, abus que nous voulons faire cesser le plus tôt possible et requérir dédommagement, des dommages qu’il aurait occasionné sur cette étendue ; en tout cas qu’ils veuillent continuer même envahissement et usurpation de matériaux de ce terrain, de les citer par devant justice correctionnelle au besoin, dont la commune répondra des dépenses et frais de citation qu’il aurait été obligé de faire pour la défense de cette propriété".

Les choses semblent s’arranger par la suite et un règlement à l’amiable est recherché par une commission composée de 6 commissaires, nommés par la municipalité, et de M. Derrien. Les commissaires sont Goulven Breton, maire, de Brendaouez, Yves Tigréat, second adjoint, Goulven Borgne, conseiller, de Trérohant, Jean Lossec, conseiller, de Kermarro, Sezny Roudaut, de Poultoussec, et Jean-Marie Géléoc, de Kerandraon.

Guillaume Louis Marie Derrien est « fermier de la totalité de la palue dite tréas-an-naouès, et propriétaire d’un indivis dans la dite palue qui vient d’être conquise sur la mer au moyen de la digue qu’il a construite dans le courant de l’année 1832, le tout en exécution de l’ordonnance royale du 15 septembre 1831 ; le dit Derrien agissant tant en son nom que comme fondé des pouvoirs de Dame Veuve Etiennette Duparc Gautier, Veuve Mervin et autres intéressés dans la sus-dite palue ».

La commission désire régler à l’amiable et déterminer d’une manière avantageuse pour toutes les parties intéressées, « la direction et la largeur des chemins qui sont nécessaires pour la fréquentation de la grève, et dont les concessionnaires de la palue de tréas-an-naouès doivent le sol au titre de l’article sept de l’ordonnance précitée »….

(à suivre…)

Fascicule consultable au local de Spered (le samedi de 14h30 à 16h30), à Ti an Oll, à Guissény.