LE SITE ARCHEOLOGIQUE DE KERVARO EN GUISSENY

Description sommaire

Le site de Kervaro est érigé sur une parcelle de plus de 2000 m2 au nord-Ouest du hameau du même nom, dans une légère dépression proche de la courbe de niveau des 50 mètres dominant le palud du Curnic. Limité dans sa partie orientale par un talus bordé d’un fossé intérieur et dans sa partie sud par un muret ancien, le site abrite une ruine faite de grosses pierres ainsi qu’un nombre important d’autres roches affleurantes disséminées sur la parcelle, deux d’entre elles, sur la partie nord, de forme arrondie faisant penser à des meules grossièrement taillées.

Petit historique

Au début des années 50 cet espace était encore très ouvert. C’est ainsi que Bertrand Lagadec le découvrit grâce à son père au cours d’une partie de chasse. Il y revint plus tard avec sa famille et y pratiqua quelques fouilles. Il me convia peu après à me livrer à l’exploration du site.

Laissé à l’abandon pendant de nombreuses années, ce dernier était encore relativement accessible en 1997, à condition d’en connaître le passage pour y pénétrer. Sur mes indications, un ami brestois passionné d’archéologie put ainsi dresser un plan coté de l’habitat existant.

Plan

Sept ans plus tard, soit en 2004, la végétation intrusive composée de prunelliers sauvages, d’aubépines et de ronciers géants avait envahi tout l’espace et rendu la parcelle pratiquement inaccessible. Cependant en compagnie de Bertrand, je réussis à trouver un autre passage et ainsi à nous frayer un chemin, (au coupe-coupe et à la tronçonneuse !) jusqu’à cette ruine qui à nos yeux n’était autre qu’un dolmen sans sa table, sorte de début d’allée couverte datant de l’époque néolithique.

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1re visite sur le terrain

J’alertai alors Monsieur Le Goffic, Conservateur en chef du service archéologique du Finistère, lequel confirma que ce site n’était pas répertorié et qu’une visite l’intéressait vivement. Rendez-vous fut pris pour octobre 2004.

M. Le Goffic identifia ces pierres non pas comme des vestiges d’une allée couverte mais plutôt comme ceux d’un habitat du Haut Moyen âge, c’est à dire pouvant se situer entre le VIe et le IXe siècle.

C’était à son avis une découverte intéressante car rares sont les vestiges de l’époque médiévale en Bretagne. Il put voir aussi les pierres rondes sans toutefois en identifier l’origine. Néanmoins la communication très intéressante qu’il publia dans le bulletin archéologique du Finistère de l’année 2005 et reproduite ci-après, n’aboutit pas à une conclusion définitive sur l’origine de ce petit bâtiment.

Guissény, Kervaro [Michel Le Goffic - Bulletin archéologique du Finistère (2005)]

"Le hameau de Kervaro, perché sur le haut de la falaise morte, domine d’une cinquantaine de mètres la palud du Curnic. Dans les fourrés de prunelliers et de ronces qui se trouvent à 200 m à l’ouest, en bordure de la rupture de pente, l’attention de notre sociétaire M. Jacques Buttet a été attirée par des structures de pierres qui l’ont intrigué et qu’il nous aimablement fait connaître. La progression à travers les épineux est particulièrement difficile et ne permet pas d’avoir une vision éloignée des accidents de terrain. Néanmoins, nous avons pu reconnaître des talutages formés de pierres dressées et de terre, prenant souvent appui sur des effleurements naturels de roche ou sur des blocs dégagés par l’érosion météorique. Un petit bâtiment, constitué de grosses pierres sur chant, la plus grosse atteignant 2,55 de longueur et dont la hauteur ne dépasse pas le mètre, a une surface interne de 7m2 environ, en forme de trapèze de 2.45 de grande base, 2 m de petite base et 3.05 m de hauteur. Il y a une quarantaine d’années, une fouille partielle a eu lieu dans cette structure et elle a fourni un lot important de tessons de faïence, de grès, de verre, des fragments d’assiettes à marli, de bols, de bassins à glaçure interne, etc., qui témoignent d’une occupation entre le XVIe siècle et le début du XXe siècle. Cependant, plusieurs tessons sont nettement plus anciens et datent de l’âge de fer, période de La Tène. Ce site, qui n’a jamais été labouré, constitue donc une »réserve archéologique » qui ne manquera pas d’intéresser les archéologues du futur. La parcelle la plus intéressante est la n° 9 section A du cadastre de 2005, mais toutes les parcelles circumvoisines font partie de ce site, dont l’épicentre a pour coordonnées Lambert : x =100,550 ; y = 1124,750, à une altitude de 50 m".

2e visite

En octobre 2009 en prévision de la visite sur des sites répertoriés de La Commune, dont celui de Kervaro, une équipe de « Spered Bro » s’est attelée au travail de débroussaillage car en cinq ans tout avait disparu sous la même végétation.

Pour le public guissénien participant à cette visite ce fut une heureuse découverte. Mr Le Goffic confirma sa première analyse, à savoir que l’on était vraisemblablement en présence d’un habitat du Haut Moyen et qu’il serait intéressant de dégager les autres pierres pour mieux appréhender son insertion dans la parcelle.

Des personnes d’un certain âge du hameau de Kervaro ayant emboîté le pas aux visiteurs ont pu apporter un témoignage intéressant : leurs parents racontaient que cet habitat abritait autrefois une famille. Il était alors recouvert d’un toit constitué de branchages lequel fut un jour détruit par un incendie et les choses en restèrent en l’état.

Comme le montrent le texte et le croquis ci-dessous, le site de Kervaro une fois dégagé pourrait révéler d’étranges similitudes avec une implantation datant du Haut Moyen Age.

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L’Habitat au Haut Moyen Age (6e au 8e siècle) en Bretagne [d’après la maison paysanne en Bretagne, ouvrage de Noël-Yves Tonnerre]

Groupés en enclos, ces habitats se trouvent plutôt en hauteur, abrités par la crête sur de légères pentes sud.

Matérialisés par des murets de pierres généralement curvilignes de 50 à 80 mètres, ces enclos comportent deux ou trois maisons rudimentaires, abritent le bétail et les jardins, les champs se trouvent à l’extérieur, souvent limités par des fossés.

Les maisons, d’environ 7 mètres sur 3 intérieurement, sont rectangulaires. Les murs bas (de 1 à 1.5 mètres) sont constitués de gros blocs de pierre dont les interstices sont comblés de tout venant, Un passage est aménagé en bout.

La couverture est assurée par une charpente faite de branches et couverte de fascines et de chaumes. Il n’y a pas de cheminée.

Vers l’extrémité opposée à l’accès une tranchée transversale sert de séchoir à grain et jouxte le foyer.

Ce type d’habitat est dans la continuité de l’habitat gaulois et a sans doute été occupé, ne serait-ce que comme étable, pendant plusieurs siècles.

Dessin de Michaël Batt du Service Régional d’Archéologie

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Conclusion

La recherche et la découverte d’un site restent chose passionnante. Celui de Kervaro encore dans la mémoire des anciens habitants du hameau mais restée longtemps ignoré des guisséniens, a enfin été répertorié à l’inventaire des sites archéologique du Finistère.

Son origine remonterait à une époque sur laquelle on a peu de renseignement. Dans son incontournable « Histoire de la Bretagne et des Bretons », Joël Cornette écrit : « Après la disparition de Grégoire de Tours en 594, nous perdons notre principal informateur : pour un siècle et demi, les Bretons échappent aux historiens, faute de sources… ».

On pourrait donc situer son origine entre les « règnes » de Judicaël (époque de Dagobert) et de Nominoë (époque de Charles le Chauve).

On pourrait aussi avancer l’hypothèse d’une réoccupation des lieux, lesquels remonteraient à une époque beaucoup plus ancienne, comme l’ont pensé les « découvreurs » du site en présence des grosses pierres fermant la partie nord de l’habitat. Peut-être qu’une fouille complète pourrait-elle apporter une réponse à ce questionnement.

Jacques Buttet