Les grandes périodes de l’histoire de Guissény

Les origines préhistoriques.

Les découvertes archéologiques montrent que Guissény a connu un peuplement continu, remontant aux lointaines origines de la Préhistoire. Le Paléolithique : les plus vieux habitats connus sont des petits campements aménagés en bordure de côte, dans des abris naturels creusés par l’érosion dans les falaises. L’outillage comprend les premier bifaces, outils soigneusement retouchés sur les deux côtés. Ces campements « acheuléens » peuvent remonter à 300.000 avant J.C. La baie de Tressény, qui forme l’estuaire du Quillimadec, a fourni sur ses deux rives plusieurs sites préhistoriques, pouvant remonter à 80.000 ans av.J.C. Du côté de Guissény, on peut citer : la plage de la Croix, les Barrachous, la grotte du Dibennou (sous le corps de garde) et le port du Curnnic.

Le Néolithique et l’âge des métaux : le site le plus important est celui du Curnic où ont été retrouvés, dans la tourbière, des trous de poteaux d’habitation, restes d’un village néolithique (4.000 à 2.500 av.J.C.) et des restes d’une industrie du sel datant de l’âge du bronze (800 à 500 av.J.C.) La commune n’a pas conservé ses mégalithes, ni menhir, ni dolmen ; une allée couverte en partie immergée se trouve dans la baie, du côté de Kerlouan, en partie immergée dans le lit de la rivière. En revanche, des tumulus ont été découverts, notamment à Kergoniou et à Keriber. Quelques stèles de l’âge du fer existent également à Ranhir, Saint-Gildas et Lavengat.

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L’antiquité romaine.

L’occupation romaine a également laissé des traces à Guissény : un vivier gallo-romain a été mis au jour dans la dune du Curnic en 1967 ; il fonctionna jusqu’aux environs de 300 ans après J.C. La grande villa de Keradennec (du IIè au IVè siècle ap.J.C.), située à proximité de la voie romaine allant de Vorganium (Kerilien) à Plouguerneau, se trouve désormais sur la commune de Saint-Frégant.

La fin de l’occupation romaine fut marquée par les premières invasions des pirates sur les côtes d’Armorique. La vie de saint Guénolé en raconte un épisode concernant son père Fragan qui repoussa une flotte de « pirates » en 388 : la flotte avait été repérée depuis les hauteurs de Coras-Mil-Horn en Guissény.

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Saint Sezny et la création de la paroisse.

Saint Sezny, moine irlandais, aurait débarqué dans l’estuaire du Quillimadec en 477 avec son compagnon saint Brévalaire et 70 disciples. Il s’installa d’abord au Lerret (Peniti san Sezni), du côté de Kerlouan, avant de passer sur l’autre rive à kerbrézant, puis sur le site de son église actuelle. Il y aurait bâti un monastère en un lieu qu’il dénomme Guic-Sezny et vécu en grande sainteté avec ses disciples jusqu’à l’âge de 127 ans. Après sa mort, des Irlandais vinrent enlever son corps pour le ramener dans son évêché d’origine. Les cloches se mirent à sonner toutes seules pour alerter les Guisséniens qui ne purent récupérer qu’un bras du saint. Celui-ci est conservé dans un reliquaire datant du XVIIIe siècle, l’authenticité de la relique étant certifiée par un parchemin.

La paroisse, fondée par saint Sezny, venu d’Irlande au Ve siècle, est nommée, dans les anciens textes, « Plou-sezny » ou « Guic-sezny », la première appellation désignant toute l’étendue de la paroisse et la deuxième concernant plus directement le bourg : Plebs Sidni (1207), Ploe Sizni (1330), Plebs Sezni (1334), Ploeseny (1467), Plouzesny (15334), Guic-Sezni (1636)… Les seigneurs barons de Kériber se considéraient comme les fondateurs de la paroisse : un acte de 1670 parle d’une fondation faite par Salomon de Kériber « qui mourut en 1493, 1041 ans après la fondation de l’église paroissiale de Guissény ». Au XVIIe siècle, on faisait donc remonter la fondation de l’église en 452 alors que « La vie de saint Sezny » d’Albert Le Grand situe l’arrivée du saint dans l’estuaire du Quillimadec en 477. Les seigneurs barons de Penmarc’h protestaient contre la prétention des seigneurs de Kériber de se dire fondateurs de l’église et affirmaient de leur côté que cette qualité appartenait en fait à la maison de Penmarc’h. Les cloches de l’église paroissiale sonnent orientées Nord-Sud et non pas Est-Ouest comme ailleurs : cette orientation leur permettait de se faire entendre de Kériber et de Penmarc’h, comme le veut une tradition locale !

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Le Moyen Age.

La paroisse de Guissény faisait partie de l’archidiaconé de Kemenet-Ily relevant de l’évêché de Léon et était sous le vocable de saint Sezni. Elle avait comme trève Saint-Frégant. La carrière de Toullouarn a fourni les traces d’un village gaulois d’assez grande dimension, entouré d’un fossé, pouvant remonter à l’âge du fer. Le site de Kermaro se trouve dans une légère dépression du plateau, sur le haut de falaise morte qui domine la baie du Curnic. Il a conservé les restes d’une construction constituée de grosses pierres alignées ; elle est limitée à l’Est par un talus bordé d’un fossé intérieur et, dans sa partie sud, par un muret ancien. Il s’agit des vestiges d’un habitat du Haut Moyen Age, pouvant se situer entre le VIe et le IXe siècles. Ce site a continué à être habité dans les siècles suivants.

La motte castrale de Castel-al-Lez s’élève un peu en retrait et au sommet du versant qui domine la Palud du Curnic, à l’extrémité ouest de Guissény, en limite de Plouguerneau. Elle mesure 64 à 74 mètres de diamètre à la base et est entourée d’un fossé large de 6 à 8 mètres. D’une hauteur de 6 à 7 mètres au-dessus du fond du fossé, elle dominait la baie du Vougot et l’entrée de la baie du Quillimadec, et permettait de surveiller la mer et de repérer l’arrivée d’éventuelle flottes d’envahisseurs, comme les Normands.

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L’époque moderne.

Les manoirs sont nombreux : on en trouvait dans pratiquement tous les villages. Il est encore possible d’y voir d’anciennes « maisons manales » qui se distinguent des autres constructions par des portes sculptées, des fenêtres à meneaux, des escaliers circulaire en pierre… (comme à Kerespern, Kerléac’h,…). Les armoiries des familles nobles principales se retrouvent dans le blason de Guissény : Poulpry de Lavengat, Kerven de Kersulec, Penmarc’h et Kériber. Ces deux derniers seigneurs avaient le titre de Baron ; le château de Penmarc’h se trouve désormais dans la commune de Saint-Frégant qui était à l’époque une trève de la paroisse de Guissény.

La famille de Poulpry a fourni des Sénéchaux à la ville de Lesneven. La famille de Kerven était propriétaire de plusieurs manoirs à Guissény : Kersulec, Kervelléré, Kerespern, Terrohan et la Vigne (le « château »), plus le manoir de Lestourduff à Plouider. Le manoir de Kériber est passé, après la mort de Salomon de Kériber au XVe siècle, dans les familles Rannou de Pratmeur en Ploudalmézeau, puis de Sanzay. Il existait également une autre famille importante, les Gouzillon, seigneurs du Hellez et de Kergoniou. A partir du XVIIe siècle, la famille Henry de Kergoff, enrichie dans le commerce (du lin notamment), entre dans la noblesse et s’installe dans le manoir de Kerangoff. Le curé de Guissény, amené à décrire la paroisse à son évêque de Léon en 1774, parle d’une population composée d’environ 500 ménages, parmi lesquels une centaine de mendiants. Les principales causes de la mendicité étaient « la cherté des bleds, le défaut d’ouvrage surtout en hyver, la vieillesse et l’enfance ». Il demande qu’il soit permis aux habitants de la côte de couper, sécher et vendre le goémon « parce qu’ils n’ont pas d’autres ressources pour se procurer leur provision de bois et payer leur petite ferme ».

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La Révolution Française.

Guissény a traversé la période révolutionnaire sans trop de problèmes, mais la création de la commune entraîne la séparation avec son ancienne trève de Saint-Frégant. Le cahier de doléances, rédigé par le corps politique, reprend la plupart des articles du modèle fourni par la Sénéchaussée de Lesneven mais se distingue par deux articles plus particuliers : les doléances contre l’usage obligatoire du moulin banal du seigneur et les taxes sur « le vin et l’eau de vie » qui sont plus élevées pour les paysans que pour les nobles et le clergé.

Guissény est placée dans le canton de Plouguerneau et le district de Lesneven ; Saint-Frégant rejoint le canton de Guicquelleau. En 1791, les limites de la paroisse de Guissény sont définies ainsi : « dans la partie orientale, à prendre depuis le bourg paroissial de Kerlouan et depuis la ligne de démarcation qui dévale du moulin de Lavengat et tout son ancien arrondissement, exceptés les villages et lieux qui ont été enlevés et qui sont réunis pour former la paroisse de Saint-Frégant jusqu’aux villages et lieux qui seront détachés par la formation de la paroisse de Kernilis ; dans la partie occidentale, les anciennes limites, connues, existantes et qui sont la disjonction des paroisses de Guissény et de Plouguerneau ; dans la partie septentrionale, la Manche ». Les problèmes administratifs liés aux nouvelles délimitations des communes et des paroisses se poursuivent jusqu’à la fin de la Révolution. Après le vote de la Constitution Civile du Clergé par les députés, le curé de Guissény Jacques Folly refuse de prêter le serment de fidélité à cette constitution et quitte la paroisse. Les deux vicaires Christophe Riou et Yves Premel-Cabic refusent également le serment mais restent dans la paroisse ; les paroissiens cachent les deux réfractaires, notamment aux manoirs de La Vigne et de Kerespern, et rejettent le curé constitutionnel qui est même agressé par des Guisséniennes en 1795. Après la révolte du Léon de 1793, Guissény est occupée militairement et doit payer une amende : en mars 1793, Guissény a fait partie, avec Plounéventer, Ploudaniel, Plouguerneau et Kerlouan, des communes condamnées à payer une contribution ; soit 7.000 livres de dédommagement pour s’être rebellée contre le gouvernement républicain. Le sacristain Jean Castel est interrogé par le tribunal du district pour savoir s’il a sonné le tocsin pour appeler à la révolte ; il nie tout et est remis en liberté. Le maire François Gac, de Kerespern, et son conseil municipal furent destitués en remplacés par un nouveau conseil, désigné par les autorités révolutionnaires du district de Lesneven. La Révolution cherche à installer les premières écoles en langue française « pour déraciner la funeste habitude d’un idiome esclave, contraire à l’égalité des Français et à l’indivisibilité de la République ». Le premier instituteur nommé par l’administration est Guillaume Roudaut, marchand à Guissény et résidant à Goulven ; puis le citoyen Martin Rolland, ancien notaire de la paroisse.

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Le XIXe siècle.

La première moitié du XIXe siècle est agitée par un conflit entre Guissény et Plouguerneau au sujet de la possession de la « Sécherie » en bordure de la plage du Vougot. La propriété de ce terrain est importance car il détermine la récolte du goémon qui a une grande importance pour les riverains de cette époque : Guissény en revendique la possession au nom d’un acte de concession de Louis XVI en 1788. Le conflit aboutit à deux procès en 1854 et 1855 qui tranchent en faveur de Guissény. Mais les contestations continuèrent encore dans les années suivantes au sujet des délimitations. Le XIXe siècle est également marqué par un événement important pour la commune de Guissény : la construction de la digue du Curnic-Nodeven. Une première digue est construite, entre la pointe de Beg-ar-Skeiz et la pointe du Dibennou, en 1831-1833, mais elle est détruite par une tempête dès 1833. Une deuxième digue est construite en retrait de la première en 1834-1836 : d’une longueur de 600 mètres, elle a résisté depuis lors aux marées et aux tempêtes.

Petit à petit dans la première moitié du siècle, les écoles publiques se développent, l’école des garçons et l’école des filles. Il devient nécessaire pour le conseil municipal d’envisager la construction d’une maison d’école qui pourra servir également de mairie. Les travaux commencent en 1847 et la réception a lieu le 17 mai 1848, avec des malfaçons qui entraînent un conflit entre le maire et l’entrepreneur jusqu’en 1856. La loi Falloux de 1850 rend possible l’ouverture d’écoles libres : en 1854, le recteur fait appel aux religieuses pour ouvrir une école des filles dans l’ancien presbytère et l’école des garçons est ouverte en 1856 par Goulven Cadiou, l’ancien instituteur communal. Par la suite, les villages de Keriber, puis de Brendaouez demandent à avoir une école de hameau, vu leur éloignement du bourg, mais leurs demandes sont rejetées par le conseil municipal.

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Le XXe siècle.

La première moitié du XXe siècle a surtout été marquée par les guerres et leurs nombreuses victimes :

  • 107 décès pour la Première Guerre mondiale (1914-1918)
  • 52 décès lors de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), dont 25 marins, 19 soldats, 5 résistants – FFI et 3 civils.
  • 7 décès lors de la guerre d’Indochine.
  • 8 décès lors de la guerre d’Algérie. La seconde moitié du XXe siècle a vu la poursuite du développement du collège technique Skol-an-Aod, l’excellente réputation de sa formation professionnelle attirant des élèves de parfois loin et fournissant de nombreuses recrues pour la Marine Nationale.

Les années 50 sont aussi le début de la transformation du paysage agricole avec la modernisation de l’agriculture, passant par le remembrement, le développement des cultures légumières et la mécanisation. Tout au long du siècle, les progrès techniques ont permis une amélioration progressive des conditions de vie des Guisséniens : le téléphone, l’électricité, l’eau courant, l’automobile,…