Joseph MARZIN devient recteur de Guissény en 1891 à la suite de François Gourc’hant.

Joseph MARZIN

Joseph MARZIN est né le 19 juillet 1842 à Plogoff, fils de Joseph Marzin, cultivateur, et de Marie Yvonne Marzin, cultivatrice, qui s’étaient mariés le 18 septembre 1824 à Plogoff. Il était le dernier d’une famille de neuf enfants.

MarzinJoseph°1842

. Il est ordonné prêtre en 1867 et nommé vicaire à Brasparts.

. En 1872, il est nommé vicaire à Treffiagat.

. En 1874, il est nommé vicaire à Plomeur.

. En 1880, il est nommé recteur de Saint-Thois.

. En 1885, il est nommé recteur de Plourin-Les- Marlaix.

. En 1891, il devient recteur de GUISSENY.

. Il est décédé le 16 septembre 1915 au presbytère de Guissény.

MarzinJoseph+1915

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Homélie lors de ses obsèques :

M. Joseph Marzin, recteur de Guissény, a rendu son âme à Dieu le 18 Septembre, dans la nuit. Né à Plogoff le 18 Septembre 1842, il était donc âgé de 73 ans moins deux jours. Le mal qui l’a emporté le minait sournoisement depuis plusieurs années et avait déjà déterminé des crises qui n’avaient pas été sans inspirer des inquiétudes à ses amis.

Avec M. Marzin disparaît une figure originale du clergé finistérien, et nul de ceux qui l’ont connu ne pourra l’oublier. Ennemi de l’étiquette, il recevait ses confrères avec la plus franche cordialité et animait les réunions par sa verve et son entrain. Il était d’aspect sévère, mais sous cette rude écorce battait un cœur d’or, et, malgré les apparences, c’était plutôt un timide et un doux. Pour l’aimer il suffisait de le connaître. Plus que tous les autres, peut-être, les séminaristes de sa paroisse ont pu apprécier son grand cœur : pour eux sa générosité n’avait pas de bornes.

Durant sa longue carrière, M. Marzin a été successivement vicaire à Brasparts, Treffiagat et Plomeur, puis recteur à Saint-Thois, Plourin-Morlaix et Guissény. Partout il a laissé le souvenir d’un prêtre zélé, tout à son devoir, ne reculant devant aucun sacrifice quand il s’agissait de l’intérêt des âmes. A Brasparts, où il se prodigua pendant une épidémie qui fit beaucoup de victimes, il contracta une maladie qui le força à quitter pour quelque temps le ministère. Aussitôt rétabli, il se remit au travail, il se distingua dans le ministère de la prédication. Ses instructions, toujours bien préparées et données avec feu, émouvaient et remuaient les âmes : il fut un prédicateur breton de premier ordre.

A Guissény, où il a passé les vingt-cinq dernières années de sa vie, il a su s’adapter, dès le premier moment, aux besoins de la population qui lui était confiée. De bonne heure, tous les matins, on le voyait se rendre à l’église et, sa messe dite, se diriger vers son confessionnal, où toujours des pénitents l’attendaient : des hommes, des enfants. Ce n’est pas quelquefois, c’est tous les jours de l’année ou à peu près, les jours ordinaires comme le dimanche, qu’il avait ce ministère à remplir. Il poussait ses paroissiens à la réception fréquente des sacrements et ainsi il a gardé très forte la vie religieuse à Guissény.

On n’a pas oublié de quelle façon miraculeuse il fut sauvé, en 1905, de la fureur de l’Océan. La Sainte Vierge, pour laquelle il avait une grande dévotion, jeta sur lui son manteau tutélaire, voulant qu’il travaillât dix ans encore dans sa chère paroisse de Guissény.

Et en effet, il a travaillé depuis ! La magnifique école chrétienne de filles est son œuvre. Selon le précepte de l’Évangile, la main gauche doit ignorer ce que donne la main droite. Dieu seul voit quelle somme M. Marzin a su prélever sur ses ressources personnelles pour la construction et l’entretien de cette école. Aussi ses paroissiens, reconnaissants, béniront sa mémoire. Il a déjà été récompensé dès ce monde, car il avait le bonheur et l’honneur de voir accourir à l’école chrétienne toutes les enfants de sa paroisse. Mais cette œuvre lui comptera surtout près de Dieu. « Opera enim illorum sequuntur illos. »

Un bon et saint prêtre, pieux et zélé, l’homme du devoir toujours, tel a été M. Marzin, et nous aimons à croire qu’il a déjà entendu les paroles consolantes par lesquelles Dieu accueille ses fidèles serviteurs. « Euge serve bone el fidelis, intra in gaudium Domini tui. »

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Une tragique partie de pêche :

Le 3 août 1905, jour de grande marée, Joseph Marzin,le recteur de Guissény, accompagné de 4 prêtres guisséniens en vacances dans leur paroisse natale, quitte son presbytère pour une partie de pêche à la crevette sur l’îlot de Lok-Karreg, en face de la pointe de Neiz-Vran en Kerlouan.

Les 4 prêtres qui accompagnaient le recteur étaient : le chanoine Uguen, supérieur du petit séminaire de Saint Vincent et professeur à l’école Saint-Yves à Quimper, M. Prigent, un nouveau prêtre, M. Le Gall, sous-diacre, et M. Salou, séminariste. Trois d’entre eux ne reviendront à Guissény que treize jours plus tard après une aventure rocambolesque, qui est toujours présente dans la mémoire de plusieurs Guisséniens.

Ils font une bonne pêche sur leur îlot, puis reprennent leur canot pour rentrer à la côte lorsqu’une tempête se lève. Ils ne peuvent franchir le détroit en ramant contre le courant et le vent, et ils décident de regagner Lok-Karreg pour ne pas être entraînés au large. Deux d’entre eux réussissent à débarquer sur les rochers et à mouiller deux ancres pour fixer le bateau aux deux extrémités. Il conseillent aux trois autres de quitter la barque et de les rejoindre sur les grands rochers qui ne sont jamais entièrement recouverts par la mer, mais ceux-ci ne les suivent pas.

La tempête se déchaine et le bateau est secoué dans tous les sens ; les cordes frottent contre les rochers et finissent par se rompre, le canot est poussé vers le large. Le recteur utilise une rame pour godiller et diriger la barque au milieu des rochers tandis que les deux autres rament autant qu’ils peuvent. Ils se retrouvent en pleine mer dans une petite barque d’à peine cinq mètres de long, mais ils ont réussi à ne pas chavirer. Exténués par leurs efforts, ils laissent aller leur bateau au grès du vent, se contentant de godiller un peu pour ne pas être pris de travers par les lames, entraînés vers le nord et disparaissant progressivement aux yeux de leurs deux compagnons restés sur le rocher.

Ceux-ci doivent aussi s’occuper de leur propre sort car la mer continue à monter et ils reçoivent des paquets d’écume de tous les côtés. Après une longue heure de lutte, la houle devient moins violente, c’est le reflux qui commence. Ils sont sauvés mais trempés et gelés car le vent souffle toujours aussi fort et ils sont persuadés que leurs trois compagnons ont été engloutis par la tempête. Toute la nuit, ils font des exercices de gymnastique pour résister au froid. Ils n’osent pas sortir de l’île à la basse mer au milieu de la nuit car ils n’ont plus aucune repère, leurs montres s’étant arrêtées. Mais ils en profitent pour changer de refuge et aller s’installer sur un autre rocher plus élevé à l’ouest de l’île où ils délogent une colonie de cormorans pour prendre leur place.

Aussi les premiers secours, avertis par des enfants qui gardaient les vaches sur la dune et venus à marée basse, les cherchent-ils vainement à l’endroit de leur premier refuge et repartent sans les avoir trouvés et sans s’être fait remarquer par eux. Au lever du jour, ils peuvent se faire repérer par des hommes qui observent les rochers avec des longues-vues. Vers dix heures du matin, huit hommes mettent un bateau à l’eau et viennent les récupérer sur leur rocher. Ils sont accueillis par des parents en larmes et de nombreux Guisséniens et Kerlouanais rassemblés sur la dune. Tout le monde est persuadé que leurs trois compagnons ont péri dans la tempête.

Ce n’est que le lendemain matin que la bonne nouvelle arrive sous la forme d’une dépêche transmise par la Préfecture Maritime de Brest et communiquée par le sémaphore de Kérisoc, en Plouguerneau : "4 août - 3h45 soir - sémaphore du Créac’h, Ouessant - Vapeur espagnol Aurrera, de Bilbao, venant du Nord-Est, route Sud, signale avoir recueilli ce matin embarcation et trois prêtres français - Lui avons demandé à quel endroit - Il a répondu à Guissény". Le bateau espagnol se dirige vers Gênes pour livrer du charbon anglais.

Les trois prêtres avaient réussi à maintenir leur barque à la surface de l’eau malgré les lames qui la ballottaient, vidant tant bien que mal l’embarcation à l’aide de leurs sabots. C’est à six heures et demie qu’ils aperçoivent un bateau et lui font des signaux en attachant un mouchoir à un haveneau et agitant une rame. En fait, ils ont déjà été repérés par l’officier en second du bateau qui est de quart à la passerelle. Le commandant fait approcher le bateau et l’équipage lance des bouées. Après quelques manœuvres difficiles, un marin espagnol saute dans leur barque et organise le transbordement. Les prêtres reçoivent du café chaud, des habits secs, puis des cabines pour se reposer.

Le 14 août, ils arrivent à Gênes où ils sont accueillis par le Vice-Consul de France qui leur apprend que leurs deux compagnons ont bien été sauvés. Ils quittent leurs sauveteurs avec émotion et le vice-consul les conduits chez un marchand de soutanes. Celui-ci les conduit à la gare le lendemain et ils arrivent à Paris le 16 août au matin, puis à Landerneau avant la nuit. Ils sont conduits en voiture à Guissény où ils arrivent à 10 heures du soir. Au mois de septembre, tous les cinq participent au pèlerinage de Lourdes.

(d’après le récit du chanoine Uguen)